Introduction
Depuis plusieurs années, l’Europe est marquée par une montée des tensions géopolitiques : l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la multiplication des conflits armés aux frontières de l’Union européenne et la rivalité croissante entre grandes puissances, alimentée par les USA.
Ces événements nourrissent un climat d’insécurité réelle, que certain·ne·s responsables politiques et institutions internationales traduisent désormais dans un discours et des politiques concrètes et systématiques de militarisation ; au lieu d’investir dans une approche volontariste, plus efficace et largement moins coûteuse, fondée sur la diplomatie, la désescalade et la coopération.
Les États membres de l’OTAN, sous impulsion étasunienne, se sont engagés à la fin juin 2025 à consacrer jusqu’à 5 % de leur PIB aux dépenses militaires, soit des sommes colossales qui détournent les ressources essentielles pour répondre aux autres urgences collectives : la crise sociale, l’explosion des inégalités, la précarité grandissante d’une partie de la jeunesse, ou la crise climatique dont les impacts s’aggravent chaque année.
Dans un monde où les conflits persistent et où notre sécurité et nos libertés fondamentales sont parfois réellement menacées, une stratégie européenne de défense cohérente s’impose.A ce sujet, la culture de la paix et de la coopération internationale perd du terrain au profit d’une vision sécuritaire et militariste désormais présentée comme la seule réponse possible. Cette orientation est particulièrement préoccupante lorsqu’elle cible prioritairement la jeunesse.
Une génération déjà fragilisée par la précarité, les inégalités et l’urgence climatique, à qui l’on propose désormais de trouver un sens à travers l’engagement militaire, au lieu de renforcer les alternatives civiques.
Face à cette vision du gouvernement, il est plus que jamais urgent de défendre la culture de la paix et de la diplomatie, en faisant honneur à notre devoir de mémoire, et de rappeler que la sécurité humaine se construit d’abord par la justice sociale, l’éducation, la coopération et la paix.
Contexte
Le gouvernement fédéral, via l’accord de gouvernement Arizona, a annoncé la mise en place d’une nouvelle « culture pansociétale de la sécurité » visant notamment la jeunesse. Parmi les mesures prévues:
(1) la création d’un service militaire volontaire de 12 mois, destiné aux jeunes dès 18 ans ainsi que le développement d’un cadre de réserves militaire de 5000 soldats, (2) l’intensification de la présence de l’armée dans l’enseignement via l’engagement de référents militaires dans les écoles et l’élargissement des options « Métiers de la sécurité » dans l’enseignement secondaire supérieur,
(3) une communication stratégique visant explicitement à « améliorer la perception qu’a le public de la sécurité et de la défense »
Dans ce cadre, le ministre Theo Francken prévoit, dès novembre 2025, l’envoi d’un courrier à 130.000 jeunes de 17 ans belges et résidents européens (ces européens qui n’ont pas le droit de vote au fédéral et au régional mais qui auront la possibilité de s’enrôler dans l’armée belge) pour les inviter à s’inscrire à ce service militaire volontaire. Malgré le nombre limité de places (d’abord 500 puis 1000 dès 2027), la promesse d’un salaire élevé (2000 € nets) risque d’exploiter la précarité des jeunes et de rendre le discours militariste socialement acceptable auprès d’une génération en quête de sens et de stabilité socio-économique.
La proposition de loi « relative à l’envoi d’une lettre de sensibilisation aux enjeux sécuritaires modifiés », signale que ce courrier sera envoyé par l’armée belge, qui aura donc accès aux données personnelles (qui plus est de personnes mineures) du registre national, contrairement à ce que prévoit la la Constitution belge. Cette lettre sera envoyée chaque année pendant 10 ans, avec une évaluation après 6 ans. La proposition de loi inscrit ce service militaire dans la perspective de la création d’une réserve militaire, sans véritable débat public ni information pluraliste.
La proposition de loi se garde par contre bien de rappeler que les jeunes qui feront leur service militaire volontaire perdront leur statut étudiant·e et n’auront pas droit aux allocations familiales au moins pendant le temps du service. Ils et elles ne seront plus considéré·e·s comme étant à charge de leurs parents.
Action
Nous dénonçons les choix budgétaires du gouvernement qui prévoient de dépenser massivement dans le militaire au détriment des droits sociaux fondamentaux. La remise en question du système des pensions, la flexibilisation accrue du travail et la réduction des investissements dans les services publics, le manque de mesures contre le réchauffement climatique sont autant de décisions injustes qui affaiblissent la solidarité et la justice sociale. Ces orientations sont en totale contradiction avec les valeurs que nous défendons : une société fondée sur la paix, la cohésion sociale et le respect des droits.
Nous, organisations de jeunesse politiques progressistes, syndicales et citoyennes, exprimons notre inquiétude face à cette entreprise de normalisation progressive du réflexe militaire dans la société, particulièrement auprès des jeunes.
Nous dénonçons l’instrumentalisation des difficultés sociales des jeunes pour promouvoir une idéologie militariste, au détriment de leur émancipation citoyenne, au détriment d’autres formes d’engagement sociétal, pérennes et solidaires.
Nous appelons:
- Les jeunesses politiques, syndicales et citoyennes à se mobiliser ensemble pour exiger un débat public transparent et contradictoire.
- Les pouvoirs publics à garantir la pluralité des informations adressées aux jeunes, notamment sur les alternatives civiques d’engagement et les implications concrètes à court, moyen et long termes, d’un engagement militaire.
- L’ensemble des organisations de jeunesse à s’unir pour défendre un modèle de société basé sur la solidarité, la paix et la démocratie, et non sur la logique de la militarisation permanente.
